Fonds de pérennité économique: Une innovation « RSE » perfectible

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Innovation de la loi PACTE du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, le fonds de pérennité est une structure dont l’objectif est la pérennité économique d’une ou plusieurs sociétés ainsi que la réalisation ou le financement de missions et d’oeuvres d’intérêt général.

 

Constitution 

Le fonds de pérennité est constitué par l’apport gratuit et irrévocable des titres de capital ou de parts sociales d’une ou plusieurs sociétés. Le dispositif, prévu à l’article 177 de la loi, exclut les sociétés civiles de son champ d’application. En effet, il ne renvoie qu’aux sociétés industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles.  

La loi prévoit un mode d’établissement similaire à une société: Statuts, dénomination, objet, siège, modalités de fonctionnement, composition, conditions de nomination et de renouvellement des organes de direction doivent être établis.

Cependant, la définition de l’objet social répond à plusieurs exigences. L’objet doit comprendre l’indication des principes et objectifs appliqués à la gestion des titres ou parts des sociétés et les actions autorisées pour y parvenir. Si elles sont prévues par le fondateur, les oeuvres ou missions d’intérêt général poursuivis par la structure doivent également être précisés. 

Autre particularité, le fonds de pérennité est déclaré à la préfecture du département dans le ressort duquel il a son siège social et jouit de la personnalité morale à compter de la date de publication au Journal officiel de la déclaration faite en préfecture. 
 

Fonctionnement et gouvernance

Le fonds de pérennité est alimenté par les ressources et produits des sociétés dont il est doté. 

Il est administré par un conseil d’administration qui comprend au moins trois membres nommés initialement par le(s) fondateur(s), puis par les personnes désignées par le testateur pour le gérer. 

Le conseil d’administration s'appuie sur un comité de gestion. Son rôle est d’assurer le suivi des participations du fonds et de formuler des recommandations au conseil d’administration en la matière, dans le but de contribuer à la pérennité économique des sociétés en dotation. Pour ce faire, il peut organiser des études et des expertises. 

 

Dispositif distinct de la société de mission

Le fonds de pérennité économique s'apparente à une méthode de gestion externe d’une ou plusieurs sociétés. Il s’agit d’une structure dont l’objectif est d’abord la préservation de ces sociétés, ensuite et hypothétiquement la réalisation d’une mission ou d’une oeuvre d’intérêt général. 

A contrario, la société de mission est créée principalement pour poursuivre une mission et sa gestion est interne. Il ne s’agit pas d’une dimension supplémentaire et, à ce titre, sa mise en place ne requiert pas, contrairement au fonds de pérennité économique, la création d’une nouvelle personnalité morale. 

Enfin, le régime juridique du fonds de pérennité n’est pas « réversible ». Alors que la société de mission peut redevenir sur décision des associés une société de droit commun, le fonds de pérennité économique est sanctuarisé: L’apport des titres est irrévocable et en principe les titres sont inaliénables, sous réserve d’exception. 
 

Un aménagement fiscal peu incitatif

L’aménagement fiscal est assez faible puisque la loi PACTE se contente essentiellement d’appliquer le régime des droits de mutation à titre gratuit en activant l’abattement du pacte Dutreil. 

Ainsi les droits de mutation à titre gratuit bénéficient dans ce cas d’une exonération à concurrence de 75 % de la valeur de cession. La conservation des titres par engagement collectif préalable ne posera ici pas de problème dans la mesure où la cession est irrévocable et les titres deviennent en principe inaliénables. 

En outre, Une réduction de 50% des droits applicables sur l’opération trouvera également à s’appliquer dans le cas d’un donateur âgé de moins de soixante-dix ans. 

Aucune précision ni incitation n’a été prévue en ce qui concerne la fiscalité du fonds en matière d’impôt sur les sociétés, de TVA ou de CET. Par conséquent, la question de savoir si la structure « peut être regardée comme un organisme à but non lucratif dont la gestion est désintéressée et agissant dans un secteur non concurrentiel » se pose (Jean-Jacques LUBIN, « Le fonds de pérennité: La fondation actionnaire à la française », Revue fiscale du patrimoine n°9, Septembre 2019, étude 22). 

 

Les obstacles psychologiques 

Cette nouvelle option sociétaire pourrait constituer un message fort de certains actionnaires fondateurs en faveur d’une gouvernance « RSE ». Le caractère irrévocable de l’apport gratuit des titres en fait un instrument plus tranchant que la société de mission. 

Toutefois, l’argument de « l’aller-simple » peut aussi rebuter la plupart des candidats à la transition. En effet, le régime juridique est inédit et n’a pas encore fait ses preuves. 

Or, des doutes subsistent encore sur l’articulation des décisions des organes sociaux du fonds et ceux des sociétés dont elle est dotée. Que ce soit dans le cas d’une dotation unique ou de plusieurs sociétés, des minorités de blocages peuvent émerger et empêcher la réalisation de la politique du fonds (Emmanuel Masset, «L’introduction de nouveaux modèles: Les sociétés à mission et les fonds de pérennité », Revue des sociétés, Octobre 2019, p. 581). 

De plus, les stratégies de rapprochement pourraient être entravées par la rigidité de ce système, qui repose, par défaut, sur l’inaliénabilité des titres (Ibid). 

Ces obstacles risquent par conséquent d’entraver la croissance de ces fondations actionnaires de droit français. Les actionnaires « engagés » ou simplement mutualistes se tourneront plutôt vers la société de mission, dont le régime juridique apparaît éminemment plus flexible. 

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